Transmission d’entreprises : un marché sous le signe de l’attentisme

Le marché de la cession-reprise d’entreprises en France espérait enregistrer une hausse de 10 % en 2024 par rapport à 2023 (étude Bpifrance en février 2024). En 2023, environ 50 000 transmissions d’entreprises ont été réalisées, alimentées principalement par le départ à la retraite des baby-boomers, le recentrage des grands groupes sur leurs activités stratégiques et la vente de leurs actifs non prioritaires.

Depuis janvier 2024, le marché de la fusion-acquisition a cependant été marqué par une baisse des volumes de transactions au cours du premier semestre 2024 (-14 % par rapport au second semestre 2023), poursuivant ainsi une tendance amorcée en 2022. Cette situation s’explique, notamment, par le maintien plus prolongé que prévu des taux d’intérêt élevés par les banques centrales, ainsi que par des incertitudes liées aux valorisations des entreprises, au contexte politique et géopolitique.Tous les secteurs, y compris ceux les plus dynamiques, ont subi une baisse des transactions en fusion-acquisition.

Le profil des cédants en 2024 : une évolution démographique marquée

L’un des éléments structurants de cette dynamique de la transmission d’entreprise réside dans le profil démographique des chefs d’entreprise en France. Selon les statistiques, environ 700 000 dirigeants, principalement à la tête de PME et de TPE, atteindront l’âge de la retraite dans les prochaines années. Cela constitue un défi majeur pour la continuité de nombreuses entreprises. La génération des baby-boomers est particulièrement concernée par cette situation, et beaucoup de dirigeants se trouvent aujourd’hui dans l’obligation de planifier leur départ.

En 2024, le profil type du cédant d’entreprise se caractérise par un âge moyen de 55 ans et une expérience moyenne de 20 ans à la tête de leur société. La principale motivation des cédants reste le départ en retraite, qui concerne 60 % d’entre eux. Toutefois, d’autres raisons comme un changement de vie professionnelle, la diversification du patrimoine, ou des contraintes familiales sont également évoquées. Une évolution notable par rapport aux années précédentes est la montée en puissance de jeunes entrepreneurs parmi les cédants : 15 % des dirigeants qui vendent leur entreprise en 2024 ont moins de 40 ans, contre 10 % en 2023. De plus, la proportion de femmes impliquées dans des opérations de cession-reprise continue de croître, atteignant 30 % en 2024, contre 25 % l’année précédente.

Diversité des profils de repreneurs

Le marché de la cession-reprise en 2024 est marqué par une grande diversité des profils de repreneurs. Traditionnellement, les repreneurs familiaux ou internes constituaient la majorité des cessions. Ces profils, souvent des membres de la famille ou des cadres de l’entreprise, apportent une continuité naturelle à l’entreprise, ce qui est particulièrement valorisé dans des secteurs comme l’artisanat, l’agriculture, ou les PME industrielles. Toutefois, la transmission familiale peut parfois poser des défis, notamment en matière de gestion des relations intra-familiales.

D’autres profils, comme les managers expérimentés issus de grandes entreprises, cherchent de plus en plus à reprendre des PME dans le cadre d’un Management Buy In (MBI). Ce type de repreneur apporte une expertise précieuse en gestion et en stratégie, mais peut rencontrer des difficultés dans les secteurs où une connaissance technique spécifique est requise.

Les entrepreneurs en série, quant à eux, voient la reprise d’entreprise comme une opportunité de diversification ou de redressement. Habitués à créer ou gérer plusieurs entreprises, ces repreneurs sont souvent dynamiques et cherchent à innover ou à restructurer les entreprises qu’ils reprennent.

Enfin, un profil en émergence est celui des jeunes diplômés et entrepreneurs débutants. Ces jeunes repreneurs, souvent issus de formations en gestion ou en ingénierie, voient la reprise d’une entreprise comme une alternative plus rapide et moins risquée à la création d’une entreprise ex nihilo. Ils sont particulièrement attirés par des entreprises ayant un fort potentiel de croissance, notamment dans les secteurs du numérique et de la technologie.

Des opportunités présentes sur le marché de la transmission

Les fonds d’investissement spécialisés dans les PME et TPE jouent un rôle croissant dans la reprise d’entreprises, apportant des capitaux et facilitant les opérations de transmission. Ces fonds, souvent axés sur le capital-transmission, permettent à des repreneurs de bénéficier de financements et d’accompagnements stratégiques, ce qui contribue à la réussite des opérations.

Par ailleurs, les dispositifs fiscaux comme le pacte Dutreil continuent d’encourager les transmissions familiales en allégeant considérablement la fiscalité. Ce dispositif permet une exonération de 75 % des droits de mutation à condition que l’entreprise soit conservée dans le cadre familial pendant plusieurs années, un levier incitatif particulièrement attractif pour de nombreuses entreprises familiales.

Un autre facteur favorable est la montée en puissance de l’entrepreneuriat de reprise. Alors que la création d’entreprise à partir de zéro peut sembler risquée pour certains, la reprise d’une entreprise existante est perçue comme une option plus sûre. Cela explique en partie pourquoi de plus en plus d’entrepreneurs s’intéressent à la reprise d’entreprises existantes, en particulier dans des secteurs en croissance comme les technologies numériques ou l’économie verte.

Objectif : pérennité des outils et des emplois

Les incertitudes politiques et économiques risquent de prolonger l’attentisme ambiant sur la fin 2024. Cependant, il est à noter que les dirigeants anticipent de plus en plus la transmission de leurs entreprises ! Dans une récente étude « dirigeants face à la transmission », 71 % des dirigeants interrogés déclarent se faire accompagner, 65 % considèrent que l’identification d’un successeur est prioritaire en matière de transmission, et la moitié des interrogés considèrent transmettre d’abord une équipe et une vision stratégique.